Interview de l’artiste à propos de son second chant de louange élémentale "Les glaciers nous regardent" et du fatalisme et de l'inertie qui caractériesent le haut pays de Chinéblos.
Un mystique contemplatif. Tooutéoualakosakros, de son nom de gloire Chant Des Cimes, vient de composer son second chant d'une ode à Lougos-Fils-Du-Glacier. La nouvelle voix des druides nocturnes livre également, dans cette interview accordée au Journal d'Umujo, ses impressions sur le contemplationnisme et le fatalisme qui caractérisent le Chinéblos.
C'est dans l'isolement de la toundra subalpine que l'artiste puise son inspiration. Il contemple longuement les nuées changeantes et ardentes dans la lumière reflétée du ciel sur les parois abruptes des glaces. Il "écoute", par Ommi, à travers la vastité sacrée du monde visible, le monde intermédiaire qui mène à l'Au-delà. L'ode qui résulte de cet érémitisme mélange l'expression de la misère de la condition humaine et de son dépassement dans la stasis, l'extinction des douleurs, la non-dualité atteinte par le très-voyant ivre de la vision sacrée de la toute puissance de toutes les formes de vie, par Bélésama Epona! Il s'en dégage un très grand degré de dépassement, où seules cinq notes suffisent à mener à l'Union parfaite avec Maponos. Chant Des Cimes, âgé d'environ trente hivers, nous parle un peu de sa musique et beaucoup des êtres vivants de notre pays demeuré inchangé depuis ses origines.
Journal d'Umujo : Quelle est l’origine de ton nom de gloire, Chant Des Cimes ?
Chant Des Cimes : Chant Des Cimes est le nom de ce que j'ai Vu. Cette vision puissante me guide. Quand je joue de la lyre et que je chante, tel je suis.
J.d'U. : Ta musique ressemble beaucoup au classique druidique diurne...
C.D.C. : Mon côté nocturne est diurne également, car chaque chose est duelle et c'est dans l'Union parfaite qu'elle se dimensionne dans l'extinction des douleurs.
J.d'U. : Pourquoi avoir créé une ode à Lougos Fils du Glacier?
C.D.C. : Le dieu du reflet reflète la vérité. Je parle de la vérité de notre condition de mortels, ô journaliste. Il y a tant de misère dans le monde visible, tant de douleurs, tant de lumière aussi.
J.d'U. : Quelles sont les prémonitions qui t'ont mis sur la voie métaphysique ?
C.D.C. : Le caractère inhumain et majestueux des cimes, en même temps que la douleur; ces deux choses se mêlent dans ma propre expérience. L’on dit que le Tooutobrodji se développera un jour, mais nous ne le verrons probablement jamais de notre vivant. Ni sans doute les enfants d'actuellement. Cela viendra peut-être après eux. Il ne sert de rien d'espérer quelque chose de l'économie, car l'espoir nous rattache à notre dimension de mortel, alors que c'est dans le détachement que l'on goûte une joie inépuisable.
J.d'U. : Mais que penses-tu du combat que mènent les pauvres contre la mort, contre la fatalité? Ne peut-on se révolter contre celle-ci?
C.D.C. : Certes, il est juste de se battre avec l' aïos, l'énergie de jeunesse. Mais que l'on ne s'y trompe pas, il n'y a pas tant d'espoir que cela dans le Tooutobrodji, car les hivers tuent énormémént, des villages entiers meurent souvent de faim, et l'on sait tous que des régions entières sont même dépeublées, et seulement lentement repeuplées ensuite. Avoir des enfants, c'est risquer de les voir mourir de faim. D'où le contrôle des naissances qui est strict dans notre culture traditionnelle. Toi et moi sommes le fruit d'une procréation raisonnée, qui intervient en son heure, selon la décision de tout le village. Quant à ceux qui croient au changement, ils oublient la notion d'équilibre. Nous vivons en équilibre avec le microcosmos. Selon notre manière d'être de toujours. Etre Toutobroge, c'est cela. Mais on parle beaucoup, on fait beaucoup de bruit aujourd'hui avec bien peu de vérité. La manière de vivre des Etrangers, nous pouvons certes l'adopter, mais après? Cela signifie-t-il de détruire peu à peu la Nature comme dans les micronations étrangères?
J.d'U. : Quel est l’état d’esprit des Toutobroges face à ces changements ?
Art Melody : Les Toutobroges sont excités par ces bruits, leur coeur se met à désirer des choses vaines, comme des objets technologiques dont ils ont seulement ouï parler. Cess biens créent des disputes, changent notre façon de voir. Seule une petite partie des gens, dont moi-même, nous doutons que cela n'est pas aussi simple, et que l'on paye d'une façon ou d'une autre ce que l'on prend à Bélésama ou à Ommi. Regardez... les Etrangers sont tous dominés par leurs semblables. Ils vont dans des écoles où ils sont obligés d'être tout le temps assis et d'écouter passivement... Ils ne sont pas aussi vaillants que les Toutobroges qui passent leur vie à aller d'eux-même de l'avant, à chercher des solutions tous ensemble. Certes, je crois que de grands changements vont venir. Mais que la misère demeurera. Une misère pire encore que celle qui se voit et se ressent: une misère qui change notre âme, qui nous isole et qu'on ne peut pas comprendre.
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